lundi 4 mars 2013

Légal ? Probatoire ? Probant ? Comment s'y retrouver...

C'est un commentaire sur mon post précédent ("Archivage à Valeur Probatoire") qui m'a incité à écrire le présent billet. En effet, parmi les sujets qui reviennent le plus souvent lorsque l'on parle de Confiance Numérique dans l'Archivage, la question du vocabulaire adéquat se classe aisément dans le top ten ! Souvent l'occasion de polémiques parfois virulentes entre experts du domaines, juristes, éditeurs de logiciels ou de services d'ailleurs...

Certes, me direz-vous, ce n'est que du vocabulaire... Mais est-ce aussi simple que cela ? Pas si évident : il est tout de même question d'opposabilité devant des tiers, finalité des Systèmes d'Archivage Électronique (autrement, un simple disque dur ou équivalent dans le nuage suffirait à la tâche). Entrebâillons donc la porte du domaine juridique pour approfondir un peu le problème... Enfin, tout au moins pour ce qui est de savoir dans quel cas utiliser "légal", "probatoire" et "probant" (j'aurai certainement l'occasion d'écrire d'autres posts sur bien d'autres éléments linguistiques) !

Si on se réfère aux définitions strictes (cf. Larousse) :
  • légal : conforme à la loi, qui a valeur de loi, qui est défini par la loi
  • probatoire : qui est propre à prouver l'existence chez quelqu'un de la compétence, des qualités requises pour une activité ultérieure
  • probant : qui prouve ; concluant, décisif
Alors, quelle est LA question, finalement la seule qui vaille : Un SAE permet-il de conserver toute la potentialité de preuve aux données qu'il renferme ? Car il ne faut jamais oublier qu'un système, tout ultra-sécurité, performant, tracé et tutti quanti qu'il soit n'apportera jamais plus de valeur à une donnée qu'elle n'en avait à l'origine (d'où la nécessité au passage d'établir une "chaîne de confiance" depuis la création de ladite donnée).  

Un SAE ne prouve donc rien en soi !

Un Système d’Archivage Électronique (SAE) sera donc dit « à valeur probatoire » s’il est possible de prouver que son fonctionnement est conforme à ce qu’il prétend être relativement à l’usage auquel il est destiné. Il peut posséder un caractère légal (conformité à des lois, décrets, jurisprudences, etc s'ils existent), sachant que normes, réglementations, état de l'art et autres ont également une grande importance.

Mais cela n’induit pas de facto une force probante aux données proprement dites : seuls les juges disposent de ce pouvoir d’attribution, en regard non seulement de l’information portée par les données mais aussi des conditions dans lesquelles elles ont été créées et conservées. 

Résumons donc :
  • un SAE est à valeur probatoire lorsqu’il se conforme à des principes et à un usage
  • ces principes et cet usage permettent de conférer au système un caractère légal
  • seuls des juges peuvent reconnaître ou non la force probante des informations portées par les données
 Au final :

  • parler d’archivage légal est acceptable, bien qu’étant un abus de langage (c'est le système complet qui peut avoir une dimension légale)
  • parler d’archivage probant est un non sens et doit être exclu
Pour ma part, je préfère parler d'Archivage à Valeur Probatoire !

6 commentaires:

  1. Bonjour Stéphan,

    Merci beaucoup pour cet exposé étayé, clair et précis, qui mérite d'être montré au plus grand nombre !

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    1. Heureux de voir que le sujet trouve son public ! Et merci pour votre appréciation !

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  2. Bonjour,
    Merci pour votre billet qui rappelle opportunément l'importance du vocabulaire. Dans mon langage d'archiviste, la lecture de votre billet m'a tout de suite amené à la notion d'authenticité du document, très liée à celle de preuve. Pour être probant, un document doit être, certes intègre (comme le dit l'art. 1316-1 du code civil), mais surtout authentique. Or, c'est bien les qualités initiales du document qui lui confère son authenticité. L’authenticité d’un document est caractérisée par le fait que l’on peut prouver qu’il est bien ce qu’il prétend être, qu’il a bien été envoyé à la date prétendue. Les travaux du groupe InterPARES ont travaillé sur cette question en posant le fait que dans l’environnement numérique, il faut pouvoir renforcer la confiance des utilisateurs (et du juge) dans l’authenticité des documents et leur donner, dès le moment de leur création, les éléments qui vont renforcer leur présomption d’authenticité. Il convient donc de produire des documents qui contiennent des marques d’authenticité suffisantes comme le nom des personnes participants à la production des documents engageants (auteur, rédacteur, producteur, destinataire), le nom de l’action ou de l’affaire, la date de création ou de transfert (date et heure de constitution du document, date de réception, date d’archivage, date de transfert), l'identifiant d'archivage etc... D'autres avant moi l'ont dit et vous le dites à votre tour dans votre article avec d'autres mots : l’authenticité (et donc la qualité de preuve) est une qualité native. Elle ne s’acquiert pas !

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    1. Bonjour,
      Merci beaucoup pour vos commentaires.
      Effectivement, vous avez raison, l'authenticité doit être traitée, mais vous remarquerez que j'ai choisi de centrer mon post "seulement" sur l'usage de trois mots... Le reste, tout le reste, et bien nous essaierons de l'aborder pas à pas, tant le domaine est vaste : authenticité certes, mais aussi imputabilité, intégrité, traçabilité, sécurité, pérennité, etc, chaque élément contribuant à établir une chaîne de confiance et donc à conférer au système la fameuse valeur probatoire. Enfin, plutôt un certain niveau de confiance et une valeur probatoire plus ou moins forte, mais là est un autre débat...
      A suivre !!!

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    2. Décidément...je ne partage pas votre rejet du terme "probant".
      Si l'on se place sur le plan de l'équivalence entre un document papier, signé manuscritement, et le même document électronique, signé électroniquement par son rédacteur, l'authenticité du document électronique signé n'est plus soumis à l'appréciation du juge qui ne peux plus le considérer comme un faux.
      Cela ne veut en aucune façon dire que ce qui est dit dans le document est vrai. Mais simplement qu'on ne peut contester son authenticité.
      Car la modification d'un document électronique non signé est d'une simplicité biblique, et en tous cas bien plus facile qu'un document papier original.
      C'est en ce sens que j'emploi le terme "probant" par rapport à "probatoire" qui laisse une marge d'appréciation au juge.

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    3. Finalement, ce qui me rassure, c'est que nous ne sommes pas en désaccord puisque nous ne parlons pas de la même chose !
      En effet, je le redis, le sujet a été volontairement centré sur l'utilisation de 3 mots dans le contexte de l'archivage, et certainement pas sur la valeur juridique d'un document électroniquement signé.
      Une signature (numérique ou papier d'ailleurs) apporte bien une réelle plus-value, encore qu'elle ne puisse pas se suffire à elle-même en toute circonstance (mais c'est un autre sujet !).
      Là où je "modère" vos propos, c'est sur la simplicité biblique de la modification d'un document électronique : oui sur un support "classique", non dans le cas d'un SAE (car telle est l'une de ses fonctions).
      Quoi qu'il en soit, le débat est vaste, et comme je l'ai déjà précisé dans mon tout premier post, ce n'est que mon point de vue !
      Au plaisir,
      Stéphan

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